Politique

Gabon : dérive inquiétante du chantage électoral à l’approche de la présidentielle

Alors que le Gabon se dirige vers une élection présidentielle décisive, un phénomène préoccupant refait surface : le chantage électoral. Dans un climat marqué par des attentes sociales fortes, certains citoyens n’hésitent plus à conditionner leur vote à l’obtention de faveurs individuelles ou à l’exécution de promesses spécifiques.

Le dernier épisode en date s’est déroulé au Trésor public. Plusieurs agents publics, en colère face à l’absence de paiement de leurs rappels salariaux, ont exprimé leur mécontentement en menaçant de voter pour Alain-Claude Billie-By-Nze, principal adversaire déclaré de l’actuel chef de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema. Une pression directe, brandie comme un ultimatum politique.

Si cette démarche peut être perçue comme une forme d’expression du ras-le-bol, elle soulève des questions plus profondes sur la compréhension du rôle du vote dans une démocratie. En effet, réduire le bulletin de vote à une simple monnaie d’échange détourne son essence. L’élection présidentielle, loin d’être une foire aux enchères, est un moment de choix collectif, censé transcender les intérêts particuliers.

Ce type de posture pose également un dilemme éthique : peut-on légitimement orienter son choix électoral non pas sur une vision politique, un programme ou une conviction, mais sur une exigence immédiate, individuelle, voire matérielle ? En agissant ainsi, certains électeurs participent involontairement à la fragilisation des fondements démocratiques, en normalisant une logique transactionnelle entre pouvoir et citoyen.

Il ne s’agit pas ici de minimiser la détresse des agents publics ou de tout autre citoyen confronté à des retards de paiement ou des injustices administratives. Ces difficultés sont bien réelles et méritent une réponse de l’État. Mais conditionner son choix politique à leur résolution, en faisant de son vote une arme de pression, revient à prendre en otage l’intérêt général.

Le vote est un droit, mais aussi une responsabilité. Il engage l’avenir du pays dans son ensemble, bien au-delà des circonstances personnelles ou professionnelles. À ce titre, il devrait être guidé par une vision à long terme, et non par la seule recherche de satisfaction immédiate.

Alors que le pays s’interroge sur le modèle de gouvernance à adopter pour sortir durablement de l’instabilité, il devient crucial de renforcer la conscience civique des électeurs. L’éducation citoyenne, souvent négligée, apparaît ici comme un levier essentiel pour éviter que des pratiques comme le chantage électoral ne deviennent la norme.

Le Gabon a besoin de citoyens engagés, lucides, capables de faire des choix éclairés. Des citoyens qui comprennent que si leur voix peut influencer le cours de l’histoire, elle ne doit jamais être mise aux enchères.

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